18.10.23
Réponse Message culture 2025 à 2028
Réponse de la CRAS (coordination romande des arts de la scène) à la procédure de consultation au Message culture 2025 à 2028
Monsieur le Président de la Confédération,
Mesdames, Messieurs,
La CRAS est l’union des associations suivantes : TIGRE et Rencontres Professionnelles de Danses – Genève (GE), Les Compagnies Vaudoises (VD), Forces Vives (VS), APIAS et Théâtre Pro NE (NE), LE DACH – Faîtière des arts de la scène Biel/Bienne und Region (BE) et la Fédération des Arts de Rue Suisse (CH). Elle représente près de 500 compagnies, que ce soit de théâtre, danse, performance ou encore arts de rue, ce qui fait d’elle une interlocutrice culturelle incontournable dans le paysage romand et fédéral.
C’est avec intérêt que nous prenons part à la consultation du message culturel de l’OFC pour la période 2025-2028 et que nous vous transmettons nos commentaires et positions.
Tout d’abord, nous saluons le travail et les directions prises dans ce dernier. Beaucoup de points préoccupant depuis longtemps les associations professionnelles sont pris en compte dans ce dernier, ce qui est positif.
Nous aimerions revenir néanmoins sur certains points en commençant par reprendre deux points soulevés par la Task Force Culture qui nous avaient également sauté aux yeux :
- Les six champs d’action et les priorités de politique culturelle qui en découlent, et qui se manifestent en partie par de nouvelles activités d’encouragement, nécessitent des moyens financiers supplémentaires. Pour cela, une augmentation du budget pour la culture d’au moins 2,5 % est indispensable.
- Dans ce sens, et d’un point de vue de durabilité sociale un élément figurant en page 11 (point 2.1) du rapport explicatif doit être considéré comme une base de travail incontournable et fondamentale : « Le nombre de travailleurs culturels au sens strict a progressé de plus 30 % au cours de la dernière décennie (passant grosso modo de 72 000 en 2010 à 95 000 en 2020). Cette évolution est corrélée à l’augmentation constante du nombre de diplômés des hautes écoles spécialisées dans les filières artistiques (environ 3500 étudiants en 2000/2001, 8800 en 2010/2011 et 10 600 en 2020/2021). »
- Cette statistique démontre que la société change, que de nombreuxes jeunes sont de plus en plus intéresséxes par les filières artistiques, qui ont plus de sens à leurs yeux. Ce changement de société doit être pris en compte dans la répartition des budgets à tous les niveaux, communal, régional, cantonal, et fédéral. Il est nécessaire que ce secteur qui se développe si fortement reçoive les soutiens nécessaires pour assurer les emplois des jeunes sortis d’études comme des personnes étant déjà sur le marché de l’emploi jusqu’à leur retraite. Rappelons que la culture est, comme mentionné en page 8 du rapport « un bien public mondial (bien commun) doté d’une valeur intrinsèque. Pour que la culture demeure indépendante, il lui faut un cadre politique et juridique favorable à l’épanouissement des valeurs culturelles et à la création artistique. »
- Sur le principe, nous voyons d’un bon œil que la Confédération se soucie des difficultés administratives rencontrées par les équipes artistiques (cf. ch. 5.1.1 du rapport explicatif). Mais nous soutenons qu’il est nécessaire de procéder à une évaluation minutieuse des besoins, et ce en impliquant notamment les associations professionnelles. Ces dernières disposent en effet d’une large expérience et de connaissances approfondies dans le domaine du conseil. Il s’agit donc de s’appuyer sur les offres existantes – souvent spécialisées par région et par branche – et de les renforcer ou de les compléter. Dans notre cas, certaines de nos associations membres fournissent déjà diverses formes de conseils et soutiens administratifs en Suisse Romande dans le domaine des arts de la scène et nous travaillons sur une mutualisation possible de certains services.
- Si la préservation du patrimoine et matrimoine culturel dans une optique de mémoire et de préservation est un objectif louable, nous demandons que le Message Culture intègre la mission de créer un répertoire des œuvres d’arts scéniques (mises en scènes, chorégraphies, performances), non seulement à titre de mémoire, mais aussi pour leur permettre d’être reprises ou réadaptées, et ainsi augmenter la longévité des œuvres.
- Le message parle beaucoup de durabilité et voit la numérisation comme une solution dans ce sens. Des études précises sur les coûts écologiques du stockage numérique, de la numérisation et de la diffusion numérique ont-elles été menées ? Si oui, corroborent-elles le mouvement vers la numérisation comme bénéfique en termes de durabilité ? Quels moyens peuvent être mis à disposition des milieux culturels et artistiques pour soutenir les artistes et leurs équipes dans leurs démarches ?En particulier, nous soutenons les mots de nos homologues de t. Professions du spectacle Suisse, et doutons aussi de l’utilité de dresser un bilan énergétique de la pratique culturelle si tous les aspects des objectifs de développement durable de l’ONU ne sont pas pris en compte. Nous, associations culturelles, sommes à votre disposition pour discuter de la question des incitations et des mesures efficaces pour un secteur culturel durable.
- Favoriser les formes numériques nous semble paradoxal. L’essence même des arts de la scène réside dans la présence des artistes et du public, et dans l’échange qui peut avoir lieu « en direct ». L’accent doit surtout être mis sur des moyens de faire circuler les œuvres en chair et en os de manière écologique (moyens financiers pour voyager en train, tournées optimisées pour ce genre de déplacement, durée de jeu dans les différents lieux).
- Dans de nombreux domaines culturels, nous manquons de formations dans des spécialisations techniques et administratives. Pour les arts de la scène, nous pouvons entre autres citer la création sonore, la création lumière, la production, la diffusion et l’administration de créations artistiques.
- Par ailleurs, dans le chapitre sur les arts littéraires, il est écrit que l’établissement de liens entre les secteurs de la littérature et du cinéma sera encouragé, afin de permettre des transferts de connaissances réciproques et de stimuler les coopérations artistiques au niveau national. Ne serait-il pas aussi intéressant, dans la lignée du point précédent, de créer des formations spécialisées en scénario ou en écriture de pièces de théâtre ?
- Ensuite, nous souhaitons témoigner notre soutien à la prise de position de Pro Infirmis concernant les questions d’inclusivité.
- Enfin, nous souhaiterions reprendre également quelques lignes soulignées par t. Professions du spectacle Suisse
- Nous avons vu et apprécié la volonté d’ un renforcement de la coopération et de la coordination entre les acteurs culturels en Suisse, notamment avec la Confédération et les départements concernés (OFC, OFAS, SECO). Le regroupement des associations culturelles au sein de la Taskforce Culture a montré à quel point elle est fiable en tant que partenaire de dialogue des services de l’Etat et pour la politique culturelle de la Suisse.De notre point de vue, il serait important que les associations culturelles soient également intégrées au Dialogue culturel national. Cela permettrait clairement d’améliorer l’efficacité des processus et de préciser les objectifs.En particulier, nous saluons la meilleure coordination entre la culture et les autres départements. Nous considérons cela comme très profitable, notamment en ce qui concerne l’économie, l’aménagement du territoire et la participation. Dans l’énumération (p. 25), il manque cependant la politique des assurances sociales (rattachée à l’OFAS et au SECO). Une meilleure coopération avec ce domaine est très importante au regard du champ d’action prioritaire qu’est la sécurité sociale. Nous dirions même qu’il faudrait lui accorder plus de poids qu’à une coopération avec le domaine du tourisme.En effet, les questions des périodes et du temps d’engagement, des temps où les artistes cotisent aux prestations sociales, du chômage, des retraites et du 2ème pilier sont des sujets centraux à traiter pour améliorer la réalité professionnelle du milieu culturel. Qui plus est, une trop grande focalisation sur le 2e pilier exclut les indépendandes, qui sont une part non-négligeable des travailleureuses de la culture.En somme, nous regrettons l’absence d’une approche globale de l’amélioration de la sécurité sociale dans le secteur culturel. Nous ne considérons pas les formes de travail des acteurs culturels comme un cas particulier, mais comme un exemple modèle pour les relations de travail atypiques qui se multiplient. Dans ce groupe professionnel, des décennies d’expérience peuvent être analysées. Nous considérons que se concentrer uniquement sur des améliorations ponctuelles est une occasion manquée d’adapter fondamentalement le système de sécurité sociale aux « relations de travail atypiques ».
- Nous saluons le fait que le message sur la culture, sous le titre « La culture comme monde du travail », mentionne également la prévention de la discrimination, du harcèlement et des abus sexuels et la nécessité de disposer de suffisamment de points de contact professionnels dans le domaine culturel (p. 13). Toutefois, le message ne prévoit pas de mesures concrètes. En Suisse romande, l’association Safe Spaces Culture est déjà en place et fait ses preuves, il pourrait être intéressant de s’en inspirer pour étendre et développer ce genre d’initiative au niveau national.
- Ces dernières années, le nombre de prix artistiques suisses a été régulièrement réduit, tandis que les prix pour tous les domaines culturels ont été développés. Il est certainement indiqué, surtout dans la perspective de l’axe d’action Actualisation du système d’encouragement de la culture, de repenser la pratique en matière de sélection, de promotion, de mise en réseau et d’archivage des prix culturels suisses et de mener un débat avec les associations culturelles pour savoir dans quelle mesure cette pratique est encore adaptée à notre époque, si des adaptations sont nécessaires et lesquelles.
En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à ces lignes, nous vous adressons, Monsieur le Président de la Confédération, Mesdames, Messieurs, nos salutations les meilleures.
Pour la CRAS,
Tiago Branquino, co-président
Nina Cachelin, co-présidente
Matthieu Béguelin, co-président
1 Les compagnies désignent des personnes morales à but non lucratif, productrices culturelles dans le domaine professionnel des arts scène.